
Ce n’est pas une utopie bleue. C’est un modèle déjà pensé, testé, et adapté par plusieurs collectifs. Un modèle qui évoque, oui, le village des Schtroumpfs. Mais sans grand schtroumpf. Sans chapeau rouge. Sans caricature. Seulement des êtres humains animés par un même élan : vivre ensemble autrement.
Dans ce village, tout commence par un seuil symbolique : cent personnes. Ce n’est pas un chiffre arbitraire. C’est la taille suffisante pour que tous les besoins essentiels puissent être couverts, tout en gardant une proximité humaine. Assez pour que chacun ait un rôle, une place, une reconnaissance. Mais pas trop pour que le lien se dilue. Ce seuil n’est d’ailleurs pas qu’une intuition : il s’ancre dans les travaux du chercheur Robin Dunbar, qui a proposé que 150 est la limite cognitive du nombre de relations sociales stables qu’un individu peut entretenir. En dessous de ce seuil — autour de 100 à 115 personnes — un groupe peut fonctionner sans hiérarchie rigide, par simple reconnaissance mutuelle, échange oral, mémoire partagée. C’est la taille typique de nombreux villages traditionnels, de tribus, de compagnies militaires… Assez grand pour couvrir tous les besoins. Assez petit pour rester humain.
Cent, c’est aussi la possibilité de ne pas connaître tout le monde parfaitement. Il y a toujours quelqu’un que l’on croisera moins. Quelqu’un à découvrir. Ce flou relance sans cesse la curiosité, l’échange, la rencontre. C’est un antidote à la routine sociale.
Chacun, dans ce village, est « source » de quelque chose. L’expression est empruntée à la gouvernance par source : chaque élan vient d’une personne qui porte, initie, incarne une intention. Certains sont source du potager collectif. D’autres de l’atelier vêtements, de la réparation énergétique, des veillées artistiques ou de l’accueil des enfants. Une même personne peut participer à plusieurs sphères, mais toujours en lien avec ce qu’elle a naturellement à offrir. Il n’y a pas de chef. Pas de hiérarchie figée. Seulement un groupe de cinq personnes, renouvelé tous les six mois environ par consentement général, choisies pour leur ancienneté, leur recul, leur posture de sagesse. Ce groupe n’impose rien. Il veille. Il garde le cap collectif. Il arbitre quand nécessaire. Il est un repère, pas un pouvoir.
Dans ce modèle, toute la base est couverte : alimentation, construction, habillement, énergie, éducation, soin, gouvernance, transmission, justice, santé. Mais chaque clan a aussi une couleur propre, une spécificité, une vision à apporter à l’ensemble de la toile interclanique. Un clan est gardien de la mémoire, un autre de l’innovation, un autre de la musique, ou du lien aux animaux, ou de l’artisanat ancien.
Les membres peuvent voyager d’un clan à l’autre. En stage. En période de transmission. Par curiosité. Il n’y a pas de monnaie. Pas de troc. Pas d’échange quantifié. Tout circule par passion, par joie, par bienveillance. L’intelligence collective veille à l’équilibre global, comme un réseau vivant d’écosystèmes humains coopérants.
Ce n’est pas un rêve lointain. C’est une expérimentation possible. Et peut-être, la plus simple des réponses à une question ancienne : comment vivre ensemble sans se perdre ?
Sources :
- Robin Dunbar « Le nombre de Dunbar »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_de_Dunbar