La nouvelle humanité

Carnets d’un monde à naître

La Nouvelle Humanité est un sanctuaire d’exploration lente,
pour celles et ceux qui pressentent qu’un autre monde est possible.

par | 25 juillet 2025 | Fictions

25 juillet 2025

Liy chez les ondeliers

J’ai quitté le plateau à l’aube. Le transporteur m’attendait en lisière du cercle. Un simple module à sustentation douce, à peine plus large qu’un lit d’enfant. Le voyage n’a duré qu’une heure, mais j’ai eu le temps d’être traversée. L’air changeait déjà. Plus humide, plus salé. Et les silences, là-bas, vibraient autrement. Le clan des ondeliers vit au bord de l’eau, dans une région que les anciens appelaient la Loire Atlantique. Mais les cartes n’ont plus vraiment d’importance, ici. Ce qui compte, ce sont les lignes de résonance. Et celle qui longe la mer est puissante. Changeante aussi. À mon arrivée, je m’attendais à quelques jours d’observation discrète. Noter, écouter, m’imprégner. Rien de plus. Mais Sitène, la veilleuse référente, m’a accueillie avec un sourire clair et un regard direct.

— Tu n’es pas ici pour regarder, m’a-t-elle dit en me prenant la paume. Tu es ici pour sentir. Pour transmettre. Tu es jeune et ta fraîcheur d’esprit va nous être utile.

Elle m’a confiée à Naon, un ondelier au port souple et aux gestes très mesurés. C’est lui qui m’a tout de suite entraînée “sur site”, comme ils disent ici. En fait, une zone de réception vibratoire située à quelques kilomètres, au sein d’un micro-clan côtier — les Glymes — qui signalait depuis quelques cycles une fatigue mentale étrange : difficulté à dormir, pertes de repères pendant l’utilisation, migraines fréquentes après les transmissions. L’Essence ne semblait pourtant pas altérée. Nous avons marché ensemble à travers les dunes, puis une forêt basse, ponctuée de mats vibrants en quartz. Naon ne parlait pas beaucoup. Il m’a juste dit :

— On a mis à jour l’interface il y a trois lunes. Une belle version. Très propre. Mais ils disent qu’elle “colle”. On va voir si elle colle pour toi aussi.

Arrivés dans le cercle de réception, j’ai ressenti ce que les autres n’auraient peut-être pas remarqué. L’image était belle, oui. Une sphère flottante, translucide, animée d’ondulations colorées. Mais au contact… quelque chose se crispait dans ma cage thoracique. Comme un sourire forcé. Trop de lumière, trop de contours nets. Une présence qui voulait bien faire mais n’écoutait pas vraiment.

J’ai fermé les yeux. J’ai laissé venir ce que je percevais : une fréquence d’accueil trop symétrique, comme si elle cherchait à rassurer au lieu de simplement laisser la place.

Naon m’a regardée. Je n’ai rien dit. Je n’avais pas à intervenir.

Le soir même, il en a parlé au cercle d’ajustement. Il a décrit ce que j’avais ressenti, mais en ses propres mots, plus ancrés, plus techniques. Il a parlé d’ingérence vibratoire douce, une notion que je ne connaissais même pas. Ils ont ouvert les courbes. Modifié la séquence d’entrée. Ajouté un flottement au seuil. Une note d’imperfection.

La nouvelle impulsion a été testée le lendemain. Et immédiatement, les Glymes ont respiré. Littéralement. Ils ont dit que l’interface “laissait passer l’air”. Qu’elle ne disait plus “regarde ici” mais “regarde si tu veux”.

Je suis restée en retrait. Je n’ai été ni l’initiatrice, ni la réparatrice. Juste un canal. Un témoin utile.

Et je comprends mieux maintenant pourquoi les ondeliers ne parlent pas de “réparation”. Ce mot est trop violent pour eux. Ils parlent d’écart corrigé, d’intention relâchée, de friction d’accueil.

Ce n’est pas un métier. C’est un soin constant, invisible, précis.

Une couture d’ondes.

Ce soir, j’ai griffonné une phrase dans mon carnet avant de l’oublier :

Ce qui fatigue, ce n’est pas l’interface. C’est qu’elle ait voulu me comprendre avant de m’avoir entendu.

Je n’ose pas encore la transmettre à l’Essence. Mais peut-être qu’un jour, elle la retrouvera seule, sur le bon canal, au bon moment.

Liy chez les ondeliers

Image générée par Midjourney.

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