
Parfois, la science confirme ce que l’intuition pressentait déjà. En observant la vie, dans ses formes les plus simples ou les plus foisonnantes, on comprend que tout ce qui se tient ensemble vibre mieux, plus longtemps. Et qu’à l’inverse, ce qui est fragmenté souffre, s’épuise, se disperse.
Une étude récente parue dans Nature vient apporter une preuve solide à cette idée. En analysant 37 recherches portant sur plus de 4 000 espèces à travers le monde, les scientifiques ont constaté une tendance nette : la fragmentation des forêts réduit la biodiversité, à toutes les échelles.
En moyenne, les zones fragmentées accueillent 12 % d’espèces en moins que les massifs continus. Lorsque les fragments sont éloignés les uns des autres, la perte peut atteindre 22 %. La conclusion est claire : mieux vaut protéger une grande forêt continue que plusieurs petits morceaux isolés. Les écosystèmes ont besoin de souffle, d’interconnexion, de territoires sans coupure.
Quand la nature inspire nos formes sociales
En lisant cette étude, j’ai pensé à nous. À nos collectifs qui naissent et se dissolvent. À nos projets qui peinent à durer. À nos amitiés nomades, nos liens numériques, nos solitudes interconnectées.
Et si ce qui s’applique aux forêts valait aussi pour nos sociétés ? Quand les êtres sont isolés, la diversité relationnelle s’appauvrit. La créativité circulante se fige. Chacun se replie dans une bulle. Le lien devient un effort. On oublie ce que c’est que de faire partie d’un tout.
Fragmenter, c’est croire qu’on gagne du temps
Les politiques de conservation ont longtemps pensé qu’on pouvait compenser la perte d’un grand ensemble par la somme de plusieurs petits. Des « îles » naturelles, comme autant de poches de biodiversité préservées. Mais les données montrent le contraire. L’éloignement, la coupure, le manque de circulation font chuter la richesse biologique. Le tout n’est pas égal à la somme des parties. Là encore, je pense à nous. À nos vies cloisonnées. À nos espaces mentaux fragmentés. À nos milieux militants qui peinent à faire converger. À nos réseaux de penseurs déliés, chacun sur sa ligne.
Restaurer, relier, laisser circuler
Si l’on ne peut plus sauver les grandes forêts anciennes, il reste une priorité : restaurer. Rétablir les corridors. Laisser les arbres repousser entre les fragments. Étendre les zones tampons. Connecter ce qui peut encore l’être. Et dans nos sociétés ? Peut-être est-ce cela aussi, le rôle de La Nouvelle Humanité : relier. Faire exister des ponts. Des lieux qui ne soient pas des fragments figés, mais des zones de respiration. Ce n’est pas la centralisation qu’il faut retrouver. C’est la cohérence. Ce qui circule. Ce qui relie sans enfermer. Parce qu’un monde où les liens sont restaurés est un monde où la vie peut de nouveau se diversifier.
- Warren Cornwall, « En fait de biodiversité, mieux vaut une grande forêt ininterrompue… », Anthropocène, 2024.
- Meta-analyse citée dans Nature, relayée via https://steady.page/fr/anthropocene/posts/abdf2d5c-bdbd-4bc0-a7ca-b10ddf2bcf9c