Dans un lieu hors du temps et de l’espace, là où les pensées résonnent plus fort que les mots et où les âmes se rencontrent au-delà des siècles, je me trouve face à un homme que l’histoire connaît bien. Son regard perçant, son sourire malicieux et son esprit critique affûté ne laissent aucun doute : Denis Diderot, philosophe des Lumières, est là, vibrant sur une fréquence que je ne peux qu’écouter. Il me jauge, impatient d’échanger. Son esprit, toujours en quête de débat et de contradiction, s’illumine à l’idée d’un nouveau monde, le mien.
Le philosophe tapote sur la table avec curiosité.
– Tiens donc ! Un esprit qui vibre sur la même fréquence que le mien ? Je me demandais quand nous allions enfin nous rencontrer. Ce n’est pas trop tôt, car, vois-tu, je suis bien curieux de savoir ce que tu fais de mes idées dans ton siècle tapageur. Tu prétends bâtir un monde sans argent, sans propriété, régi par des lois vibratoires et des consciences interconnectées ? Bigre ! Voilà qui flatterait l’utopiste en moi… mais inquiéterait le philosophe !
Il se penche vers moi, l’air amusé.
– Dis-moi donc : quels vices comptes-tu donner à tes Brevelles ? Car vois-tu, sans un peu de travers humains, ton paradis n’est qu’un théâtre sans drame !
Je prends le temps de peser mes mots. Puis, avec assurance :
– J’ai dans l’idée, et probablement l’envie, d’une humanité sans vices. Certes, des drames, il y en aura toujours, ne serait-ce que dans l’expérience de certains échecs individuels ou collectifs. Mais je ne comprends pas le vice s’il vient à heurter autrui.
Je l’observe. Il me scrute, intrigué.
– On peut envisager certaines beuveries, par exemple, comme aux temps des Vikings, où tout le clan prend plaisir à s’émécher. Ceux qui n’adhèrent pas ne participent simplement pas, du moment que la tolérance est totale de chaque côté.
Diderot hausse un sourcil, croise les bras, puis éclate de rire.
– Ah ! Une humanité sans vices ? Voilà bien une idée qui sent l’idéalisme pur, mon ami. Mais méfie-toi : quand on veut arracher le vice, on risque d’étouffer la liberté avec.
Il se penche vers moi, un sourire joueur aux lèvres.
– Tu dis qu’il y aura toujours des drames, certes, mais si personne n’agit jamais contre les autres, si nul ne convoite, n’envie, ne manipule, ne ment, alors ton humanité sera un chœur sans dissonance. Et que vaut une symphonie sans contrastes ? Regarde-moi bien. Moi qui ai vu des rois et des tyrans, des bigots et des libertins, des savants et des imbéciles… Crois-tu donc que l’homme puisse évoluer sans conflit ? Et si tu extirpes le vice… peux-tu encore parler de libre arbitre ?
Il tape sur la table du doigt, comme pour insister.
– Ta beuverie de clan, admettons ! C’est une joyeuse licence, une ivresse partagée. Mais si nul ne tombe dans l’excès, si nul ne dérive, si nul ne faillit, alors ce n’est plus qu’une mascarade bien ordonnée. Le vice n’est pas toujours un poison. Il est l’aiguillon du choix. Crois-tu donc que l’homme soit homme s’il ne peut plus faillir ?
Son regard me jauge.
– Dis-moi donc : comment un Brevelle résiste-t-il à la tentation, s’il n’a jamais connu la possibilité du mal ?
Je croise les bras à mon tour, inspirant profondément avant de répondre.
– S’adonner à un quelconque vice signifie-t-il forcément faillir ? Tu parles d’excès, de dérives, de faillites, soit. Accueillons-les avec humour et dérision. Nous ne sommes qu’humains, après tout.
Le philosophe incline légèrement la tête, intrigué par ma réponse.
– Quant à la convoitise, l’envie, la manipulation et le mensonge, tout provient de l’éducation prônée par le système en place. De mon temps, on nous enseigne que l’objectif ultime est la réussite financière. Ce qui signifie que la réussite vient du fait de posséder plus que l’autre. Pour moi, elle réside dans le fait de vibrer haut et fort, le plus possible et indépendamment de son voisin.
Je poursuis, plus animé.
– La vibration est une énergie du cœur, une énergie d’amour. Le reste n’est que l’expression de peurs qui siègent dans le mental et naissent par la comparaison avec son prochain.
Il me fixe longuement, puis se renverse sur sa chaise.
– Ah, voilà qui est intéressant ! Un monde où chacun vibre haut et fort, où l’amour remplace la peur, où le succès ne se mesure plus en possessions, mais en intensité d’être…
Il joint les mains, pensif, puis reprend avec un sourire en coin.
– Tu veux donc déraciner le vice par l’éducation, non par la contrainte. C’est habile. Mieux vaut enseigner que la richesse est intérieure, plutôt que de forcer les hommes à y renoncer. Voilà qui me plaît.
Il fronce cependant les sourcils, songeur.
– Mais alors… le doute ? Le doute est-il un vice, ou fait-il partie de cette vibration dont tu parles ? Car vois-tu, le doute est mon compagnon de toujours. Sans lui, pas d’Encyclopédie ! Pas de pensée critique ! Pas de Lumières !
Il pose une main sur la table et me défie du regard.
– Tu dis que la comparaison avec autrui est l’origine des peurs. Peut-être. Mais cette même comparaison, ce regard sur l’autre, n’est-ce pas aussi le moteur du progrès ? Car s’il n’y a plus ni envie ni rivalité, comment pousses-tu l’humanité à s’élever toujours plus haut ? Pourquoi aller plus loin si tout est déjà parfait ?
Il s’incline légèrement vers moi, le regard perçant.
– Alors, mon cher descendant vibratoire, réponds-moi : dans ton monde, qu’est-ce qui pousse un homme à se dépasser ?
Les questions sont pointues, acérées. Je sens que je n’ai pas le droit à l’erreur face à lui. Après un moment de réflexion, mes arguments s’affinent et je me lance.
– L’exaltation de l’idée, par exemple. « Avoir le franc qui tombe », comme dit une maxime de mon époque. Que cette idée soit philosophique, scientifique ou artistique, quel bonheur de la voir naître, puis grandir jusqu’à devenir adulte. Et le moteur de cette narration de la pensée vient du doute, je n’en doute pas !
Je m’autorise un clin d’œil. Il me sourit en retour.
– Avoir une réflexion critique envers toute chose, continué-je, provient du doute. Et je ne parle pas du doute envers soi-même, qui est une forme de peur, un manque d’estime né d’une transgression éducative, la plupart du temps. Remettre en question les méthodes, s’assurer de la bonne compréhension des principes ou des lois naturelles et scientifiques permet le déploiement du sens critique et du doute. Ainsi perdure le progrès. Encore une fois, l’éducation et l’enseignement permettent cela. À condition, cependant, que nous ne quittions pas l’école une fois le diplôme obtenu. C’est l’affaire de toute une vie, puisque notre esprit s’enrichit chaque jour de nos expériences.
Je marque un temps.
– Enfin, vibrer haut et fort ne veut pas dire vibrer toujours plus haut. La plus grosse difficulté de mon monde actuel n’est pas de vibrer haut, mais de conserver un état vibratoire suffisant pour expérimenter l’amour universel. Nous sommes sans cesse abreuvés d’informations que notre cerveau n’a pas le temps d’assimiler. Il en résulte un affaiblissement global de l’esprit et des capacités cognitives.
Je lève un index.
– Autre chose aussi, et pas des moindres : l’être humain est de plus en plus isolé et individualisé. La notion de clan, l’esprit grégaire, n’existe presque plus. Pourtant, c’est un excellent moteur de diversité et de confrontation des pensées, donc de progrès. De plus, le fonctionnement en clan permet ce sentiment d’appartenance, cher à la satiété intellectuelle. C’est ce cadre qui pousse l’homme à se dépasser.
Diderot me regarde avec un sourire en coin, tapotant des doigts sur la table comme un professeur satisfait de son élève mais pas encore prêt à lui accorder la victoire.
– Ah ! Voilà un homme qui pense. Un homme qui critique, qui analyse, qui défend ses idées avec ferveur. Voilà qui me plaît.
Il hoche la tête, puis reprend avec une intensité plus calme.
– L’exaltation de l’idée, la joie de voir naître une pensée et de la voir s’épanouir… Oui, c’est là un moteur puissant. Et tu fais bien de distinguer le doute qui nourrit l’intellect du doute qui ronge l’âme. L’un est une étincelle, l’autre une ombre.
Il se redresse, pointant un doigt vers moi avec un air de défi.
– Mais alors, si l’idée est le moteur, le clan est le foyer, n’est-ce pas ? Tu veux restaurer l’esprit grégaire, rendre à l’homme sa place dans une communauté d’échanges, dans un tissage vibrant de pensées et de présences. Voilà qui est sage. Et pourtant…
Il croise les bras, pensif.
– Ne crains-tu pas le poids du collectif ? Car vois-tu, un clan, un groupe, une communauté… c’est aussi un cadre qui peut étouffer, uniformiser, dicter ce qu’il faut penser sous prétexte d’harmonie. Tu as raison : ton monde moderne accable l’esprit d’informations, le noie sous un flot incessant qui empêche la réflexion. Mais si le clan, au lieu d’être un moteur, devient une prison douce, une norme qui limite, alors n’as-tu pas simplement remplacé un mal par un autre ?
Il se penche légèrement en avant, un sourire ironique au coin des lèvres.
– L’humanité est un balancier, mon ami. Elle oscille entre l’individu et le groupe, entre l’ordre et la liberté, entre l’éclatement et la cohésion. Alors dis-moi… comment empêcher ton clan de devenir un dogme ? Comment garantir que la diversité ne se transforme pas en unanimité forcée ?
Je réponds aussitôt :
– Par le choix. Tout simplement. On n’appartient pas à un clan, on le choisit. Soit par intérêt professionnel, par affinité artistique ou politique. Chaque être humain, à la fin d’un tronc d’études commun, a le loisir de visiter d’autres clans avant de faire son choix. Et quand bien même il le fait, rien n’est définitif. À tout moment de sa vie, il a la possibilité de quitter son clan pour en rejoindre un autre, voire de voyager entre clans à la découverte de l’autre. De plus, comme les décisions majeures sont prises par consentement et non par démocratie, l’évolution du groupe ne saurait s’enfermer dans un dogme.
Mon interlocuteur fronce légèrement les sourcils, puis laisse échapper un sourire approbateur.
– Ah ! Le choix, toujours le choix. Voilà une réponse qui me satisfait davantage. Et vois-tu, cela me rappelle une de mes vieilles maximes : « L’homme n’est libre que lorsqu’il peut changer de chaîne. »
Il m’observe avec un intérêt renouvelé, tapotant à nouveau la table du bout des doigts.
– Alors, selon toi, nul n’est assigné à un clan par naissance, par fatalité ou par tradition ? Chacun choisit, et peut re-choisir, selon son évolution intérieure. Voilà qui est une belle garantie contre la stagnation.
Il réfléchit un instant, puis reprend avec un sourire joueur :
– Quant au consentement plutôt que la démocratie… Voilà qui est audacieux ! J’ai toujours eu mes doutes sur le pouvoir du nombre : la majorité a parfois le charisme d’un troupeau effrayé. Mais dis-moi… comment fais-tu lorsque le consentement ne se fait pas ?
Il se penche en avant, intrigué.
– Si plusieurs dizaines de Brevelles doivent décider ensemble et que leurs voix restent indécises, divergentes, opposées, que se passe-t-il ? Y a-t-il un médiateur, une sagesse supérieure, un mécanisme invisible qui tranche sans imposer ?
Il esquisse un sourire malicieux.
– Car vois-tu, je serais bien curieux de voir comment tu fais tenir ensemble liberté absolue et cohésion durable, sans tomber ni dans l’anarchie, ni dans la tyrannie douce du consensus forcé.
Je m’attendais à cet argument.
– Je ne parle pas de consensus mais de consentement. Il ne s’agit pas d’être d’accord, mais de ne pas être contre. Là est toute la différence.
Pris par ma ferveur, je continue.
– S’il s’avère qu’une décision n’a pas le consentement total de l’assemblée – et pas de tout le monde, on parle ici de représentants comme en démocratie, sinon c’est la foire d’empoigne –, on étudie ce qui bloque les membres qui ne consentent pas. Puis on cherche ensemble une solution pleinement consentie, loin de l’ego et de l’orgueil.
Denis fronce les sourcils un instant, puis un éclat de compréhension traverse son regard.
– Ah-ha ! Consentement et non consensus. Voilà qui est subtil, et ma foi, terriblement intelligent !
Il se redresse, croisant les bras avec un sourire approbateur.
– Donc, il ne s’agit pas d’arracher une adhésion forcée, ni de contraindre un groupe au silence par une majorité écrasante, mais simplement de s’assurer que personne ne s’oppose activement. Cela change tout.
Il tapote sa tempe, pensif.
– Mais… voilà qui suppose un grand travail sur soi, une maturité collective peu commune. Car vois-tu, mon cher descendant vibratoire, il y a une chose que j’ai observée de mon temps comme du tien : les hommes aiment leurs opinions comme ils aiment leurs enfants. Ils y tiennent. Ils les défendent avec orgueil.
Il me fixe d’un air plus sérieux.
– Alors dis-moi… comment fais-tu pour qu’un individu abandonne son blocage sans se sentir vaincu ? Comment enseignes-tu à un être humain que ne pas avoir raison ne signifie pas perdre ?
Un sourire rusé s’étire sur ses lèvres.
– Car là réside le défi ultime : arracher l’homme à son orgueil sans lui arracher son individualité. Comment t’y prends-tu, mon ami ?
– Tout comme le fait d’avoir raison ne signifie pas gagner. L’orgueil est l’expression d’un mental qui croit perdre sa dignité. On est ici dans le registre de la peur. Comme tu le dis, cela suppose un travail sur soi et une maturité peu commune actuellement. Encore une fois, c’est le rôle de l’éducation. Apprendre aux enfants à s’affranchir de l’orgueil et à n’écouter leur ego, leurs peurs, que lorsque c’est nécessaire, en cas de danger physique par exemple.
Le philosophe claque la main sur la table en riant franchement.
– Ah ! Enfin un homme qui comprend que raisonner n’est pas un combat, et que céder n’est pas s’incliner ! Voilà qui est radicalement révolutionnaire, bien plus que toutes les têtes coupées que ton époque a connues après la mienne !
Il secoue la tête, amusé, puis reprend avec une intensité plus mesurée.
– Donc, selon toi, l’orgueil n’est qu’une illusion du mental, un voile de peur sur l’esprit ? Et l’éducation doit apprendre à ne pas s’y laisser prendre, à reconnaître ce qui relève de l’instinct de préservation et ce qui relève de la vanité…
Il hoche lentement la tête, songeur.
– Je te l’accorde, voilà une œuvre colossale. Et sans doute la plus noble de toutes. Mais alors, laisse-moi te poser une ultime question, la plus essentielle, celle qui fera toute la différence…
Il s’appuie sur la table, me fixant intensément, presque comme un maître soumettant une dernière énigme à son élève.
– Qu’est-ce qui garantit que cette éducation perdure ? Qu’est-ce qui empêche ton système de retomber dans les travers de l’ancienne humanité, génération après génération ? Car vois-tu, il est aisé de dire : « Il faut éduquer autrement. » Mais dans ton monde, qui éduque l’éducateur ? Qui s’assure que le savoir transmis ne se déforme pas avec le temps ?
Il esquisse un sourire plein de défi.
– Si tu bâtis une nouvelle humanité, il te faut une clé qui verrouille le progrès pour qu’il ne s’inverse jamais. Alors, as-tu cette clé, ou bien ton monde est-il, lui aussi, condamné à voir l’histoire recommencer ?
Je tourne la tête de gauche à droite pour marquer ma désapprobation.
– Je te pose la question en retour. Comment avez-vous fait pour sortir du dogme religieux ? Je ne prétends pas avoir la solution ultime qui saurait perdurer de génération en génération. C’est une réponse au mal-être actuel et à la perte de sens globale de l’humanité. Je ne prétends pas non plus vouloir étendre ces principes de façon unilatérale et universelle. Il y a fort à parier que les peuples du Japon, de Namibie ou de Nouvelle-Calédonie, par exemple, puissent avoir des avis et des envies largement différents des miens. Et c’est un véritable cadeau de pouvoir s’en inspirer pour progresser.
Je croise les bras, inspirant profondément avant de poursuivre.
– L’important est la direction choisie aujourd’hui, qui pourrait être verrouillée par une constitution ou un autre document de cet ordre, si nous en sentons le besoin. Et aussi le fait de commencer petit. Un premier clan de quelques centaines de personnes peut parfaitement sortir du système et donner des envies aux autres.
Il se redresse avec un sourire approbateur, son regard pétillant d’intérêt.
– Ah ! Voilà qui est pragmatique et sage. Tu n’as pas la prétention de fixer un modèle absolu, mais simplement de proposer une alternative à ce monde qui s’égare.
Il hoche la tête.
– Tu me demandes comment nous avons fait pour sortir du dogme religieux ? Mon cher ami, nous n’en sommes jamais totalement sortis. L’esprit humain a ce défaut charmant : il déteste l’incertitude. S’il ne vénère plus un Dieu, il sacralise une Idéologie, une Nation, une Science, un Marché… Il remplace une vérité par une autre.
Il hausse un sourcil, amusé.
– Mais nous avons semé le doute, et ce doute a poussé. Voilà notre héritage : un outil, non un dogme. Nous avons prouvé qu’il était possible de penser autrement. Et c’est précisément ce que tu fais aujourd’hui.
Il tapote la table du bout des doigts, pensif.
– Commencer petit, voilà une approche intelligente. Un premier clan, une expérimentation grandeur nature… C’est ainsi que naissent les véritables révolutions durables : non par décret, mais par l’exemple.
Il sourit, malicieux.
– Et si ton premier clan réussit, il n’aura pas besoin de convaincre : il inspirera. Et cela, c’est bien plus puissant que tous les manifestes du monde.
Il se penche vers moi, son regard pétillant d’ironie et d’admiration mêlées.
– Tu es donc plus sage que nous ne l’étions. Nous voulions éclairer l’humanité entière d’un coup, et nous avons vu les Lumières se transformer en feux de révolution. Toi, tu préfères allumer une seule lampe, puis laisser chacun venir y chercher sa propre clarté.
Il se redresse, son sourire s’élargissant.
– Alors, je te le dis : ne verrouille rien. Pas de constitution gravée dans le marbre, pas de dogme sous prétexte d’éviter les dogmes. Car ce que tu bâtis doit rester vivant.
Il se lève, lissant les plis de son habit, puis me fixe d’un regard profond.
– Un premier clan. Un îlot de pensée neuve. Un exemple qui n’impose rien mais qui propose tout. Voilà une véritable idée des Lumières.
Il marque une pause, puis reprend, avec un sourire espiègle :
– Et qui sait ? Peut-être, dans quelques siècles, un autre esprit vibrera avec toi, cherchant à comprendre comment tout cela a commencé…
Un silence s’installe entre nous. Il me jauge une dernière fois, puis se lève, lissant son habit comme s’il s’apprêtait à quitter cet espace vibratoire. Je le regarde, une pensée naissante au bord des lèvres.
– Mon ami… nous avons parlé de choix, de vibration, d’éducation. Mais avant que tu ne partes, à mon tour de te poser une question.
Il arque un sourcil, curieux.
– Si tu avais eu la possibilité, en ton temps, de bâtir un tel monde, l’aurais-tu fait ?
Il esquisse un sourire énigmatique, s’approche de moi et murmure avant de disparaître dans l’éther vibratoire :
– Mon ami… si nous avions eu ce choix, je serais en train de lire ton livre au lieu de te parler.
Diderot par Louis-Michel van Loo en 1767
(musée du Louvre)