
Image générée par DALL.E.
Postface à la nouvelle “Get a life” publiée hier.
J’ai écrit Get a life à une période trouble. Une de ces phases où la vie semble s’effilocher entre les doigts, où chaque jour ressemble au précédent, où même les émotions paraissent désaturées. Le monde extérieur bruissait de promesses de réussite, de développement personnel, d’optimisation du quotidien. Et pourtant, à l’intérieur, tout sonnait creux.
Alors j’ai imaginé cet homme.
Pas vraiment moi, pas vraiment un autre. Quelqu’un de banal, de transparent, presque effacé. Un être quelconque happé par une annonce étrange, par une promesse absurde glissée dans un bar miteux. Une phrase griffonnée sur un flyer défraîchi : Get a life.
Mais quelle vie ? Et pourquoi celle qu’il menait jusque-là ne suffisait-elle pas ?
Ce texte m’a servi de miroir. J’y ai projeté une peur sourde et tenace : celle de passer à côté. À côté de l’intensité, de la présence, du mystère. À côté de ce qui pourrait rendre chaque jour un peu plus réel. Ce personnage, il avale une molécule comme on avale une décision sans retour. Il veut vivre. Ressentir. Sortir de sa torpeur, même si c’est au prix d’une dérive mentale. Même si c’est en flirtant avec la mort.
Aujourd’hui, je relis cette nouvelle comme une fable noire sur l’addiction contemporaine au spectaculaire. On nous vend du changement comme une pilule. Du bonheur en 5 étapes. Des émotions en gélule. On fuit l’ennui comme s’il était la preuve d’un échec. On veut vibrer, vite, fort, tout de suite. Et dans cette quête désespérée, on accepte parfois n’importe quoi : des paradis chimiques, des promesses de reset intérieur, des expériences “ultimes” qui nous laissent plus seuls encore.
Mais ce texte ne dit pas seulement ce que je fuyais. Il contient aussi en creux ce que je cherche.
Ce que j’ai toujours cherché : un changement véritable, lent, ancré, partagé. Quelque chose qui ne passe ni par l’oubli, ni par l’extase artificielle, mais par une redécouverte du vivant. Une reconnexion. Une autre manière d’être là.
C’est ce qui a fait naître, peu à peu, La Nouvelle Humanité.
Un projet à l’opposé des injections miracles et des illusions instantanées. Un monde où l’on prend le temps d’écouter, de comprendre, de tisser. Un monde où le changement ne se prescrit pas, mais se cultive ensemble. Get a life parle d’un homme seul, prêt à tout pour ressentir quelque chose. La Nouvelle Humanité, elle, parle de ce qu’on ressent quand on n’est plus seul. Quand on recrée du lien. Quand on apprend à rêver à voix haute, sans crainte d’être pris pour un fou.
Cette histoire est une balise sur le chemin. Un avertissement. Il rappelle ce que le monde nous pousse parfois à devenir quand on étouffe, quand on ne sait plus à quoi se raccrocher. Mais il rappelle aussi, par contraste, ce que nous avons à inventer : des chemins moins violents, plus féconds, pour sortir du vide.
Parce que la vie ne se trouve pas dans un recoin de forêt après avoir avalé une capsule. Elle se trouve dans les regards, dans les silences partagés, dans les utopies qu’on ose formuler ensemble.